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L'hypocalcémie sévère engage-t-elle le pronostic vital aux urgences ?

Par : Duval, Maxime

Document archivé le : 30/05/2018

Introduction : l'hypocalcémie sévère, définie par un taux de calcium sérique <1,90 mmol/l, est souvent considérée comme une urgence en raison d'un risque potentiel d'arythmie cardiaque ou de crise épileptique. Cependant, notre connaissance du sujet est entièrement basée sur des rapports de cas qui omettent le rôle d'autres variables qui pourraient être responsables des symptômes et des signes attribués à l'hypocalcémie. Le but de notre étude était d'évaluer si une hypocalcémie sévère (Ca <1,90 mmol/l) était associée à des arythmies cardiaques ou à des complications neurologiques immédiatement mortelles chez des patients admis au service des urgences. Matériel et méthode : nous avons réalisé une étude observationnelle rétrospective de septembre 2015 à septembre 2017 au CHU de Nantes. Nous avons identifié tous les patients admis aux urgences qui avaient une mesure de la concentration en calcium. Tous les patients ayant une concentration en calcium corrigée <1,90 mmol/l ont été inclus. Les patients atteints de myélome multiple ont été exclus. Les calcémies corrigées sur la protidémie ont été estimées comme suit: calcium corrigé (mmol/l) = calcium mesuré (mmol/l) / (0,55+ P (g/l) / 160) (formule de Parfitt). Le critère d'évaluation principal était le nombre d'arythmies cardiaques potentiellement mortelles et/ou de complications neurologiques pendant le séjour aux urgences. Une arythmie cardiaque potentiellement mortelle a été définie par la présence d'une TV, d'une FV, d'un arrêt sinusal et de BAV du deuxième ou du troisième degré. Une affection neurologique mettant en jeu le pronostic vital a été définie par la présence de crises ou d'un coma avec GCS inférieure à 9/15. Résultats : 155 259 patients sont passés par les urgences pendant la période d'étude, 41 823 avaient des concentrations de calcium corrigée, 3468 (8,3%) avaient une hypocalcémie (Ca <2,20 mmol/l), 799 (1,9%) une hypercalcémie (Ca> 2,60 mmol/l) et 155 avaient une hypocalcémie sévère. Vingt-deux patients avaient un myélome multiple et ont été exclus, laissant 133 (0,37%) patients pour l'analyse. 17 patients (12,8%) présentaient des troubles graves, 14 (10,5%) neurologiques et 3 (2,2%) cardiaques. Le calcium médian de ce groupe était de 1,59 mmol/ l[1,43-1,75] et était significativement plus faible que le groupe de patients qui n'avaient pas de complications potentiellement mortelles (p = 0,03). Les complications neurologiques étaient des crises isolées (8 patients), un état de mal épileptique (3 patients) et un coma (3 patients). Ces complications peuvent s'expliquer par la présence d'autres comorbidités chez tous les patients sauf un. Les comorbidités les plus fréquents sont le syndrome de sevrage alcoolique et une maladie du SNC (dégénérative, cérébro-vasculaire, tumorale, traumatique). Conclusion : une atteinte neurologique ou cardiaque grave était présente chez 12.8% des patients. La présence quasi systématique de comorbidités ou d'un cofacteur pouvant à lui seul expliquer ces atteintes remet en question le dogme de la menace au pronostic vital que représenterait une l'hypocalcémie sévère. 18NANT021M


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